Films, Société, Uncategorized

Atlantique, un film afro-surréaliste au coeur du romantisme.

En ce moment je raffole d’histoire d’amour, je ne sais pas si c’est les beaux-jours qui arrivent, ou le fait que je sois entourée de magnifiques couples qui construisent leur vie de la plus belle manière possible, mais je raffole d’histoire d’amour.

Heureux hasard alors, de décider de regarder le film Atlantique de Mati Diop. On m’avait, il y a de ça quelques années, recommandés ce film, lors d’une soirée entre ami.es où l’on parlait des derniers films qui nous avaient marqués.

J’avais fait un long monologue sur le film « Mektoub my love » que j’adore et que j’ai regardé une dizaine de fois je pense. Note à moi-même, il est vital de partager avec son entourage les films qui nous font vibrer, c’est une très belle manière de les faire vivre.

Une amie m’avait dit, lors de cette soirée, qu’elle avait adoré le film « Atlantique », qu’il avait été tourné au Sénégal, et qu’elle pensait que je l’aimerais beaucoup. Merci à elle pour cette attention toute particulière, car en effet j’ai adoré ce film.

Je suis à la fois déçue et heureuse d’avoir attendu toutes ces années pour me décider à le voir. Déçue, parce que j’aurais simplement aimé connaître ce film plus tôt, tellement il est beau, et heureuse car Mati Diop a récemment présenté son nouveau documentaire « Dahomey », et a remporté l’Ours d’Or de la 74ème Berlinale. Et comme je marche par obsession, il me tarde de le visionner.

Pour ne pas vous spoiler toute l’histoire, voici quelques mots. C’est l’histoire d’amour de Souleiman et Ada, l’histoire de ceux qui prennent la mer, mais avant tout l’histoire de ceux qui restent. Le tout agrémenté de la force mystique que j’ai tant ressentie lors de mes premiers voyages au Sénégal.

Ce que j’ai adoré dans ce film, c’est tout d’abord qu’il soit en wolof. Ce n’est pas ma langue d’origine, car je suis peuhl du Sénégal, mais j’y porte une attache toute particulière car c’est la langue que j’entends quand j’y suis. Au-delà de cela, je tiens à souligner l’importance du fait que les films africains reflètent les sociétés dans lesquels ils sont tournés, et qu’ils ne soient pas réalisés exclusivement pour divertir les étrangers sur une idée biaisée de ce que sont les pays en question.

@ Atlantique - Mati Diop

Selon moi, c’est là le génie de ce film : raconter une histoire d’amour avec les codes sénégalais, pour les Sénégalais avant tout. L’histoire d’amour est traversée de problématiques que la jeunesse sénégalaise vit réellement. Les grands enjeux autour du mariage, la pression familiale, qui n’est pas automatique, rappelons-le, mais qui peut exister.

En second plan, le thème du voyage en mer pour rejoindre l’Europe, j’ai apprécié la manière dont ce thème a été abordé dans le film « Moi, capitaine » de Matteo Garrone, surtout après avoir lu le reportage illustré « À qui profite l’exil ? » de Taina Tervonen (merci pour le prêt, Gaspard), mais j’ai été conquise par la manière dont ce thème a été traité dans le film Atlantique. L’idée de mettre en avant le point de vue de ceux qui restent est brillante. Petite parenthèse, je vous recommande également le titre Harraga de Younès en feat avec TIF, sur le même sujet.

Je suis une fervente adepte de la romantisation des univers. Je suis tellement heureuse qu’une pléthore de créatifs s’impliquent à effacer l’image trop longtemps apposée aux territoires africains, d’espaces pauvres, délabrés, sales, sans pour autant montrer des Afriques aseptisées de manière très européenne, avec des allées très propres, des gros buildings, de belles voitures, etc. Il y a différentes beautés, et sûrement pas une image archétypale de la beauté ou de l’architecture.

« Atlantique » n’a pas été tourné dans le centre de Dakar, mais en grande partie dans la banlieue dakaroise à Thiaroye. Si ce nom vous dit quelque chose, c’est parce que cette banlieue est tristement connu pour le massacre qui y a eu lieu, de tirailleurs par des gendarmes français en 1944. Un des nombreux défis relevés par ce film a été de présenter la beauté du Sénégal sans artifices ni fioritures, sans montrer ce Dakar ou ce Saly qu’on a eu l’habitude de voir, en réalité ou à l’écran, ces dernières années. Il pose un décor très réel, sans exotisme.

Enfin, toutes les personnes avec qui j’ai déjà discuté du Sénégal connaissent mes histoires mystiques que j’ai appris à appréhender avec le temps, les considérant comme faisant partie intégrante de ma culture sénégalo-mauritanienne. Quel bonheur de retrouver cet élément dans un film. J’ai beaucoup de mal avec les films d’horreur ou les films traumatisants ; j’ai horreur du « trauma porn », mais Atlantique n’est rien de cela.

J’ai mis beaucoup de temps à apprécier les histoires mystiques et ancestrales, malgré ma curiosité maladive. J’ai toujours regretté avoir trop tendu l’oreille quand des histoires de ce genre se racontaient dans ma famille et mon entourage. Mais grâce à l’art, au cinéma, à la littérature, j’ai appris à être confronté à cet univers de manière beaucoup plus apaisée. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’un de mes genres favoris est le surréalisme.

Dans mon exploration artistique, j’ai découvert l’afro-surréalisme, ce mouvement qui restaure de manière très saine les cultes du passé et qui explore une identité noire et le pouvoir qui s’y rattache. C’est dans cette catégorie que j’inscrirais Atlantique, qui nous plonge dans une société mystique, mais en aucun cas effrayante.

Le film Atlantique est disponible sur les plateformes Canal VOD, UniversCiné, Apple TV et Google Play.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *